L’âme sœur n’est pas un mythe, mais une conséquence naturelle et simple de notre complexion. La « connaissance » à prétention scientifique l’a infirmée, car pour elle, il n’y a ni âme ni amour heureux et éternel, ni fidélité, ni osmose possible entre deux personnes devenues des individus, sujets de droit, objets d’intérêts, dépourvus de sens profond. Néanmoins… n’en déplaise à la doxa, en vérité, cette âme existe et elle nous attire, car lorsqu’elle n’est pas là, l’être humain est dérisoire et faible, son incomplétude physique conditionne son aspiration conviviale et son désir.
La complicité de l’homme et de la femme est non seulement une injonction féconde de la vie, mais aussi la source supérieure du plaisir et, ce qui est important mais moins reconnu, elle est la source de toute alliance – le creuset de l’art associatif – et, finalement, elle procure cette force et cette habileté qui comptent politiquement.
Pour faire face à la pollution tous azimuts du monde, la seule option est celle de l’union et cette dernière prend naissance là où deux cœurs battent. Ce n’est pas évident pour tout le monde, toutefois, l’union de l’homme et de la femme est sexuellement, spirituellement, culturellement et politiquement vitale dans l’art de faire société, elle est le « B, A, BA » de la vie collective. Le monde industriel a cassé le concept d’âme sœur (conséquemment aussi celui d’unité) pour faire de « ses » populations dissociées des parcs d’objets humains régulables selon ses lois économiques. Il s’agit d’une tragédie anthropologique majeure.
Le couple est classé au stade de l’arrangement et le sexe est abaissé au rang de marchandise, ne pouvant combler qu’une partie infime de l’incomplétude humaine, Adam et Ève des années 20 du 21e siècle, codifiés, ridicules, croient en des rapports masturbatoires, en des relations de séduction passagères, aux plaisirs sexuels produits de consommation, à la pornographie ersatz du besoin d’intimité, à l’affection sans engagement, aux relations sans lendemain.
L’âme sœur, projet désuet ?
L’illusion est incompatible avec la durée. La formation d’un couple qui résulte d’un processus artificiel de séduction est antinomique avec une aventure commune à long terme. Combien de désillusions en perspective ? Alors que la recherche d’elle et lui qui seront amis, amants et frères d’arme, qui se comprendront, qui regarderont dans la même direction, qui pourront tout partager, qui établiront des bases de vie solides parce qu’ils seront en vérité, est autrement responsable, source de bonheur et d’harmonie.
Parce qu’elle est possible et parce qu’elle réussit tout de même assez souvent, la recherche de l’âme sœur devrait être pour tous une haute démarche écologique.

J & R Bei